Il est roux foncé, nacré, épais et crémeux.
Son goût, très typé, le distingue du (peut-être) plus banal « toutes fleurs », mais sa saveur reste merveilleusement florale et parfumée.
Vous l’aurez certainement compris, c’est de miel dont nous parlons ici, et plus précisément de miel de sarrasin. Ce miel, très intéressant par ses « atouts santé » avérés comme nous allons le voir dans un instant, tire une bonne part de son originalité de la plante dont il est issu.
Le sarrasin, ou « blé noir », serait arrivé en Europe au XIIè siècle en provenance d’orient, avec le retour des croisés(1). Traditionnellement cultivé en Bretagne, il a été longtemps un emblème de la région, où sa farine était et est d’ailleurs toujours utilisée pour la fabrication des célébrissimes galettes ou crêpes bretonnes. Le miel français de sarrasin est donc historiquement originaire de cette région. Aujourd’hui la plante est cultivée à peu près partout en France, de la Bourgogne aux Pyrénées, pourvu que le sol soit léger et que les températures ne soient pas trop basses au moment des semis (entre mi-mai et début juin), la plante étant très sensible au gel(2).
Botaniquement, le sarrasin est qualifié de pseudo-céréale, comme l’amarante et le quinoa.
Il n’appartient pas en effet à la famille des graminées, dont on compte plus 12000 espèces (parmi lesquelles le blé, le riz, la canne à sucre, le bambou mais aussi … le chiendent !), réparties sur tous les continents, y compris l’Antarctique(3).
Rien d’aussi « exotique » avec la famille botanique du sarrasin (les polygonacées) qui ne compte qu’environ 800 espèces (quand même), parmi lesquelles des plantes comestibles du jardin comme la rhubarbe ou l’oseille(4).
Dans l’esprit d’une culture préservant l’environnement, le sarrasin est une plante assez géniale : il nécessite rarement d’être désherbé, a peu de ravageurs et de maladies, et est peu exigeant en azote (voire souffre de son excès) et en temps de travail(2). Donc pas ou peu de pesticides et d’engrais pour sa culture. De plus ses plants poussant très serrés, il est réputé comme étant un désherbant naturel des parcelles.
Sa floraison a lieu en été et sa fleur, ou plutôt ses inflorescences de petites fleurs blanc-rosé, sont très mellifères, surtout pour les variétés anciennes de sarrasin. Il est béni des apiculteurs car sa floraison coïncide avec le moment où le nectar des autres plantes commencent à manquer. Un hectare de sarrasin peut produire jusqu’à 150 kg de miel(5).
Et cerise sur le gâteau (sur le pain d’épices ?) : la graine qu’il produit ne contient pas de gluten(6).
Revenons à présent au miel de cette plante et penchons-nous sur ses « atouts santé ».
Une équipe de chercheurs du Département de Pédiatrie de l’université d’État de Pennsylvanie a démontré en 2007 que, non seulement le miel de sarrasin est plus efficace pour soulager la toux nocturne en cas d’infection des voies respiratoires supérieures chez l’enfant que de ne rien donner du tout (ce dont on se serait à priori déjà douté…), mais il est également plus efficace qu’un dérivé médicamenteux antitussif dérivé de la morphine(7).
Mieux encore. Des chercheurs italiens de l’université du Piémont Oriental travaillant sur les mécanismes de la cicatrisation ont montré en 2013 que le miel de sarrasin serait plus efficace que le miel de manuka pour stimuler l’activité des cellules de la peau qui permettent la fermeture des plaies superficielles(8).
Et encore mieux…
Un article d’une équipe de chercheurs chinois de l’université d’Agriculture de Huazhong, à paraître en juin de cette année(9), montre que les propriétés antibactériennes du miel de sarrasin sont comparables à celles du miel de manuka. Ce test a été réalisé sur deux espèces de bactéries, l’une d’entre elles étant le tristement célèbre Staphylococcus aureus. Cette bactérie pourtant commune (elle est souvent présente sur la peau)(10), possède la particularité d’être présente dans les hôpitaux sous sa forme multi- résistante à la quasi totalité des antibiotiques existants à ce jour. Son infection est souvent mortelle chez les patients hospitalisés dont le système immunitaire est affaibli.
Quant à ses propriétés antioxydantes, le miel de sarrasin ferait encore mieux que le miel de manuka d’après les mêmes chercheurs.
Le miel de sarrasin qui fait aussi bien que le miel de manuka ? Ça n’est pas rien, compte tenu du fait que ce dernier provient littéralement de l’autre côté de la planète. On peut donc dire que son bilan carbone est plutôt mauvais. Son prix, qui tourne autour de 80 euros le kilo en entrée de gamme en fait également un produit onéreux. Comparé à un miel de sarrasin bio et local dont le prix se situe aux environs de 30 euros le kilo, il n’y a quand même pas photo. De plus il est toujours bon de rappeler qu’en achetant local, on fait vivre le tissu économique de sa région, et là tout le monde y gagne, y compris la planète.
Alors… Le miel de sarrasin… Ça vous tente ?
Sources :
- (1) lesitedelhistoire.blogspot.fr
- (2) www.capbio-bretagne.com
- (3) www.futura-sciences.com
- (4) encyclopedie_universelle.fracademic.com
- (5) www.yonne.chambagri.fr
- (6) www.passeportsante.net
- (7) Paul IM. et al. « Effect of honey, dextromethorphan, and no treatment on nocturnal cough and sleep quality for coughing children and their parents ». (2007) Arch Pediatr Adolesc Med. 161 : 1140-1146.
- (8) Ranzato E. et al. « Honey exposure stimulates wound repair of human dermal fibroblasts ». (2013) Burns Trauma. 18 : 32-8.
- (9) Deng J. et al. « Biochemical properties, antibacteril and cellular antioxidant activities of buckwheat honey in comparison to manuka honey ». (2018) Food Chem. 252 : 243-249
- (10) www.pasteur.fr
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